Même
dans l'avion, c'est difficile d'y croire... l'Alaska, avec un grand
A, si vous permettez! Avec tout ce qu'on a déjà vu ces
deux dernières années dans les mags, c'est le rêve
de tout freerider qui se respecte - quand il n'y a pas encore mis
les pieds - et une destination quasi incontournable une fois qu'on
connaît (vu que c'est presque toujours les mêmes têtes
qu'on retrouve là-bas). Bref, tout ce qu'évoque le nom
du 49ème état des States est vrai : c'est grandiose!
14 heures d'avion (du 747 au bimoteur à hélices), une
demi-journée à Montréal, une nuit dans l'aéroport
de Vancouver,
Phil Lalemant et Don Grego, pendant la nuit à Vancouver...
ça ne ressemble pas à l'aéroport...
après
notre départ de Paname nous découvrons les fjords du
sud de l'Alaska. A peine descendu sous le plafond des nuages, une
immense plaine blanche se détache des montagne noires qui bordent
la mer... J'ai du mal à comprendre pourquoi il n'a neigé
que là et pas sur les montagnes voisines, quand la dame d'à
côté me demande comment je trouve le Mendenhall glacier?
Là, je sais qu'on y est pour de bon, parce qu'un glacier de
6 ou 700 mètres de large qui dégueule dans la mer, est
un des signes distinctifs du pays des Inuits et des Esquimaux. Débarquement,
taxi, downtown Juneau, Alaskan Hotel.
L'Alaskan hotel, il date de 1913, tout en bois avec un vieux piano
mécanique dans le saloon, et comme le mobilier, les tenanciers
sont plutôt rustiques et "tuff" au premier abord.
Nous bataillons un peu au début pour avoir nos chambres jusqu'à
ce que Bruce Griggs (un des boss de Out of Bounds) arrive, et là
tout s'éclaire, tout s'illumine : il gère!
Pas encore installé, Terje vient nous serrer la pince (on est
aussi au pays des crabes géants), et on apprend que quelques
riders de chez
Terje filmé par IMAX.
Burton
sont ici pour filmer avec IMAX qui produit un film sur les sports
extrêmes. Après avoir filmé les plus grosses vagues
jamais surfées (cet hiver sur le north shore d'Oahu à
Hawaii) ils sont ici pour shooter la partie snowboard et ski...
Craig Kelly
Ca laisse
rêver sur la qualité des pentes d'ici! Mais en bref,
pendant les 12 minutes qui suivent notre arrivée, nous apprenons
:
- qu'il neige au dessus de 100 mètres d'altitude sans discontinuer
depuis 9 jours (donc ça en a posé au moins 3 mètres)
- que Terje, Victoria Jealouse et Craig Kelly sont dans l'hôtel
depuis 10 jours et qu'ils sont au bord du gouffre
Terje
- que la météo annonce du pas trop pourri pour le lendemain
et que nous sommes donc vernis du cul!
Temsco Heli Base, traduisez : le grand hangar aménagé
qui sert de salle d'attente avant le départ, est à 15
dollars (Capital Cab) de l'hôtel. A 8 dans le taxi, avec les
boards et les sacs, plus la peine de louer une caisse... Une fois
les décharges de responsabilité signées - en
gros tout ce qui vous arrive d'autre qu'un crash en hélico,
c'est de votre faute - on attaque la pesée. Le poids est minutieusement
réparti entre les snowboarders, leurs matos et le carburant
que le pilote prend, en fonction des déposes prévues
et de la marge de sécurité (20 % du réservoir
doit être encore plein à l'arrivée). Nous limitons
donc le nombre de power bar et autres snickers à 2 par personnes...
Après le brief sur le poids, nous avons droit à toutes
les consignes de sécurité expliquées par le guide
et par le pilote, chacun allant de ses petites manies : préférence
du pilote quand au côté de sortie des 4 passagers de
la banquette arrière; emplacement du groupe par rapport à
l'hélico au moment du drop ou du ramassage;
attributions des tâches pour chaque personne du groupe : untel
ouvre les sandos qui tiennent fermé le panier dans lequel repose
le matos et tient le dessus ouvert, un autre qui sort les boards et
les sacs (en faisant super gaffe à ne pas faire dépasser
les boards plus haut que la tête)
le troisième récupère le matos et l'empile au
niveau de la porte du pilote et le quatrième appuie sur le
tout pour que ça ne s'envole pas... L'opération de chargement
est identique et tout cela se passe sous l'oeil sévère
du guide. Si vous comptez bien, nous sommes 6 par hélico, avec
le pilote!
Greg Poissonnier, Juneau.
L'avantage de l'Alaska, c'est que ça ne coûte pas cher;
à 5 000 fr. par personne la journée moyenne, le budget
s'évapore assez rapidement. Nous décidons judicieusement,
après deux petites sessions de 2 déposes entre les trous
de nuages (4 500 fr. par personne pour que dalle), de ne plus voler
que par temps magnifique. Heureusement qu'il fait mauvais presque
tout le temps! Nous passons donc nos premières journées
à rider à Eagle Crest, la station de Juneau qui fermera
cinq jours après notre arrivée
Axel
Pauporte à Eagle Crest.
Yannick
Amevet.
et
à nous entraîner à manier notre Nerva (prononciation
Vitellienne de l'Arva) ce qui tend à montrer que si le seul
à ne pas être sous l'avalanche est Yannick Amevet, on
nous retrouve au dégel, ou dans 4 000 ans parfaitement conservés.
Après nos "search training", nous avons eu droit
à la vidéo (deux heures) sur les avalanches, les types
de neige et la conduite à tenir en cas de pépins à
la montagne; nous retiendrons la leçon d'un vieux guide des
rocheuses : <<if you're caught by an avalanche : fight like
hell!!!>>. D'ailleurs, c'est ce à quoi a pensé
Bruce Griggs quand il était dans l'avalanche qui est partie
le premier jour de grand beau, alors qu'il guidait l'équipe
de IMAX : complètement recouvert mais vite dégagé
et un ski perdu... Les journées de mauvais temps nous permettent
d'aller nourrir les Bald Eagles
(emblème des Amériques) à grand coup de sardines
surgelées que nous jetons dans un des nombreux bras de mer
qui rentrent dans les terres. Les aigles reconnaissent la couleur
des sacs plastique du marchand de sardines congelées pour aigles,
et à peine nous approchons-nous de la grève qu'ils sont
25 à tournoyer au dessus de nos têtes... 
Gentils
les oiseaux, trois mètres cinquante d'envergure et des serres
capables de vous broyer un mollet sans problème nous aident
à battre des records de lancer de sardines congelées
(nos amis les belges étant rompus au lancer de nains réalisent
des exploits!). Certains d'entre nous ont essayé de pêcher
mais les "alaskan birds" (des putains de gros moustiques
énormes) les ont fait rentrer sans poissons mais avec quelques
traces de claques sur le front...
Mais parlons Snow un peu!
Voici
comment est la neige :
- juste après la chute (généralement entre 1
et 3 mètres de poudre) l'objet de nos déplacements est
comme en Europe : profond, très léger et très
instable. Il se produit alors un phénomène psychique
remarquable :
le photographe et les riders se mettent à baver dès
la sortie de l'hélico alors que le guide devient hyper nerveux
et met une laisse à chacun (on ne bouge pas sans son autorisation,
on ne ride pas de pentes de plus de 30° - 35° s'il est vraiment
cool).
Jérome Catz

Greg
Poissonnier
Phil Lalemant
Damien Gagneux
Dès
que le guide apprend que son pote est sous l'avalanche, il a une petite
absence de 15 secondes environ, s'informe de l'orientation de la pente
qui est partie pour la bannir de celles qui seront ridées dans
la journée, fait quelques virages, retrouve aussitôt
le sourire et nous laisse enfin partir droit devant - mais pas trop
loin quand même. C'est une boucherie!

Jérome Catz
Damien Gagneux
Axel
Jérome Catz
Don Grego

Damien
Phil Lalemant
- le deuxième jour de beau temps, l'hélico s'enfonce
déjà moins quand il nous dépose, mais la neige
est toujours aussi légère. Sean Dog, notre guide, recommence
le rituel obligatoire : il creuse un large trou dans une pente de
35° (la pente la plus propice aux avalanches) jusqu'à avoir
un mur de presque deux mètres devant lui. Il
vient ensuite se placer au dessus du mur, à 50 cm du trou et
se met à exercer une série de pressions de plus en plus
forte sur la neige. En fonction de l'épaisseur de neige qui
se détache, en glissant sur les couches inférieures,
pour la pression exercée Shawn connaît la stabilité
du manteau neigeux. Il peut ainsi avoir une idée du risque
d'avalanche pour la journée. Il fait très froid la nuit
et la neige se stabilise avec le temps. Nous sommes donc autorisés
à glisser dans des endroits déjà un peu plus
chauds...
Yannick Amevet
Axel Pauporte
Jérome Catz
Damien
Gagneux
Un des
plus beaux moments de ride arrive avec la fin de journée, quand
le soleil s'enfonce dans la mer de nuages qui remplit l'horizon.
Greg Poissonnier

Alors la neige passe du blanc à l'orange flamboyant puis au
rose PQ (mais de qualité, genre triple épaisseur, extra
doux, super ouate...) en vingt minutes et avec les quelques reflets
sur les bras de mer au bas des pentes... ca vaut le coup d'oeil!
Jérome Catz

Phil
Lalemant
- Quand on en arrive au cinquième jour de beau temps consécutif,
la neige est d'une stabilité à toute épreuve,
et nous ne recherchons plus que les pentes les plus raides possibles.
Jérome Catz
Damien Gagneux
Phil Lalemant
Greg Poissonnier
En
surface la neige est la plus légère que j'ai jamais
vue! Comme elle se densifie rapidement en profondeur, on ride une
sorte de coussin d'air et quelle que soit notre vitesse, la planche
s'enfonce toujours de la même façon dans la neige, pas
de surprise et plus aucun choc, même en se mettant de gros vols
:
Jérome Catz
le bonheur
si je veux! Une chose assez traître de cette stabilité
exceptionnelle de la neige, c'est qu'elle vous met en confiance et
vous fait oublier que chaque fois que vous faites un virage, une bonne
quantité de poudre blanche se met à glisser... derrière
vous au départ, mais cette micro avalanche, "le Sluff",
devient vite suffisamment puissante et rapide pour "embarquer"
votre planche, et vous avec... Dans toutes les pentes raides avec
des barres ou des séracs à la fin, ce sluff peut être
fatal!
Phil Lalemant
Jérome Catz
C'est pour cela que l'on se "décale" d'un goulet
ou d'une dizaine de mètres de l'axe dans lequel on a fait les
premiers virages. C'est très net quand on voit les skieurs
: 8 virages - une traversée - 8 virages - une traversée
- 8 virages etc....
Petit hic du séjour, nous sommes surpris par un front nuageux
qui stagnait au loin mais qui a décidé de nous foncer
dessus à 120 km/h, et croyez-moi, ça va super vite.
Le temps de se faire déposer sur une autre face du massif où
nous étions et de descendre à fond, les nuages n'étaient
plus qu'à 200 mètres et nous devons renoncer aux Medenhall
Towers, très belles pentes raides que nous avions repérées
le matin et que nous gardions pour finir la journée en beauté
(et en sensations)... Rentrer maison, fumer jambon! En fait c'est
parfait, ça nous donne une bonne raison de revenir la saison
prochaine.
Le TOWN-IN : Cette discipline (au même nom que le surf tracté)
consiste à choisir un sommet trop étroit pour que l'hélico
puisse s'y poser.
Il
faut donc monter avec son sac et sa board dans l'hélico, et
faire confiance au pilote qui se démerdera pour maintenir son
engin en stationnaire au dessus d'une bande de neige ou d'un rocher
où vous pourrez poser vos boots, tout en gardant la porte ouverte
d'une main et en essayant de récupérer votre planche
de l'autre. Généralement, au moins une face du sommet
est un précipice sans fond, et c'est face au vide et au vent
que le pilote vous fait comprendre qu'il n'a pas que ça à
faire et que YES YOU GO DOWN HERE!!!Le Sac de l'héliboarder
est plein. Plein de plein de choses, dont une lourde part qui ne sert
presque jamais (si cette partie sert, alors vous serrez les fesses).
Pelle démontable, sonde, rations et couverture de survie pour
faire joli ; et camel bak rempli d'ice-tea (ou sa version Décathlon
5 fois moins chère), sandwich, power bar, tacos, bonnet et
masque de rechange, radio (NON l'Arva et le baudrier ne se mettent
pas dans le sac!!!) pour ne pas faiblir au milieu de ces rares et
splendides journées de 10 heures au milieu des glaciers.
SI VOUS AVEZ AIME CE TRIP, ALLER VOIR LA SELECTION DE PHOTOS SUR
L'ALASKA DE FLORENT DUCASSE
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