Ouzbekistan,
février 2000
texte: Jérome Catz
Photos: Jérome Wilm
Riders : Yan André, Serge Cornillat, Marisha Levkova, Jérome Catz,
Jérome Wilm, Xavier Honnor, Enzo.
Jérome
Wilm snowboarder photographe la Grave
Ce trip est né de la passion de Jérome Wilm pour la Russie, et
c'est grâce à lui, ainsi qu'à Marisha, sa copine (russe
bien sûr), que nous partons entre potes pour l'Est. Non content d'organiser
ce voyage, Jérome a l'idée de ramener un reportage uniquement
fait entre riders... Sans photographe professionnel ni cameraman, nous nous
débrouillerons à tout faire entre nous, selon nos capacités
et avec les moyens du bord...
Yan André skieur cameraman Chamonix,
Marisha snowboarder photographe cameraman Moscou, avec Sergeï Kalabukov,
Jérome Catz snowboarder photographe cameraman Grenoble,
Serge Cornillat snowboarder cameraman Flaine,
Xavier Honnor skieur cameraman La Grave,
Enzo snowboarder La Grave,
Quelques montagnes et...
des Soums (1$ = 8000 Soums à l'époque.)
Nous sommes en Asie, en Orient, au carrefour de la route de la soie, à 400 km de Samarcande... entre l'Europe et la Chine.
C'est beau... et c'est déjà la soirée, qui dérape (dûment arrosée) sur une session Kite! Boulit et Serge aux commandes sur un lac gelé à 5 minutes du centre, sous des voiles de 5 et 7 mètres et sous vodka... indispensable pour tenir les -20° ventés qui balayent le lac. Heureusement que c'était la nuit, et qu'ils ne voyaient rien! Car nous sommes retournés là-bas le lendemain, et nos deux "kiteurs" auraient très bien pu cervolanter en plein dans le bateau pris dans la glace ou dans les barrières de la patinoire... Il existe un dieu pour les ivrognes, et ce dieu doit être russe... Mais de jour ça le fait mieux, et selon l'angle de prise de vue, on se croirait à la campagne, à la mer ou en plein centre ville!
de Bukhara et pour la mer d'Aral que pour ses montagnes et ses hélicos... Normal, mais on est là pour que ça change, au moins auprès d'un certain public...
A 4 heures d'avion au sud est de Moscou, il fait presque bon à la sortie de l'aéroport de Tachkent. Il est 6 heures du mat et Sergeï Kalabukhov, parapentiste, base jumper, expéditeur, qui ferait n'importe quoi pour un shoot d'adrénaline, en bref : légende vivante sur tout le territoire de l'ex URSS , nous attend. C'est vraiment agréable de se retrouver en d'aussi bonnes mains, on sait tout de suite que tout va bien se passer. Nous nous retrouvons donc au petit matin sur un des marchés couverts de Tachkent à faire des provisions de nourriture pour une semaine, et de senteur pour toute une vie! Nous sommes en Asie, en Orient, au carrefour de la route de la soie, à 400 km de Samarcande... entre l'Europe et la Chine. Petit dej typique : pain à l'oignon et méchoui de mouton grillé à point et dégoulinant de graisse; c'est le minimum pour supporter les deux heures de route qui nous séparent de Beldersay, la petite station avec son télésiège deux places et son téléski, où nous établissons notre camp de base. De notre petite maison, nous ne voyons que le début des montagnes, mais tout cela a l'air bien prometteur. N'oublions pas que même si nous sommes au sud de la Russie, l'Ouzbékistan et ses montagnes sont les contreforts de la chaîne Himalayenne!
Le MI8 est cet énorme coléoptère volant, capable de prendre à son bord 40 soldats armés jusqu'aux dents ou deux Jeeps bourrées de matériel et de munitions, que trop de gens ont vu ou pris dans les mauvaises conditions. L'heure des guerres passant malgré tout, ces autobus volants transportent toujours beaucoup de personnes et de matos, mais les chasseurs munis de guns que nous sommes ont changés d'esprit et de but...
Les guides se répartissent les groupes car outre Sergeï et Nicolaï (jeune parapentiste local), nous sommes accompagnés par 4 bons snowboarders moscovites venus profiter de l'occasion, et de quelques personnalités locales... ça nous arrange c'est moins cher du coup!
L'Ouzbékistan offre une variété et une profusion de pentes des plus grandes au monde : les sommets sont tous collés les uns en face des autres, les pentes se rejoignent en petites vallées quasiment inaccessibles pour le type d'hélico que nous avons. Les lignes
s'enchaînent à travers les hublots et passent du cool à
l'extrême très rapidement. Le MI8 à besoin de beaucoup plus de place pour se poser et est nettement moins maniable qu'un lama ou que les écureuils traditionnels en Alaska. Ici pas question de Town-in (les déposes en stationnaire au dessus d'un éperon rocheux ou d'une arrête), il faut un terrain plat où poser deux des trois roues de l'engin au moins. Toutes les déposes effectuées le seront donc sur des sommets ronds, mais rassurez vous, ce n'est pas bien gênant : avec des rides de 1500 à 2000 mètres de dénivelé, il y a toujours moyen de trouver un peu de pente... La neige est sublime, une poudre très sèche et froide, excellente à rider dès que l'on a intégré le phénomène du sluff dans les pentes un peu raides. Le sluff
est la neige décrochée par le rider à chaque virage
: dans les pentes raides cette mini coulée peut facilement vous
rattraper, passer sous votre board et vous embarquer... jusqu'en bas,
qu'importe les obstacles rencontrés en route. Ca peut devenir
très dangereux rapidement.
Il y en a toujours un de nous qui se "sacrifie" pour filmer ou photographier en milieu de pente, pendant que les autres s'éclatent en enchaînant les virages jusqu'à ce que les cuisses chauffent! Le bonheur si je veux... mais sans les beaufs. C'est épuisant mais trop bon...
Le pilote
a mis le frein sur les roues arrières, ce qui procure à
notre parachutiste une bonne base pour s'élancer, et le voila
qui saute... Sergeï arrivera bien avant nous à la base!
Une sorte de taxi nous ramène à notre maison, et à
peine tout le monde descendu, le conducteur attrape un des chiots qui
traînait par là et le fourre dans un sac, dans son coffre
en arguant : "food for me, food for me..." Un peu dégouté
quand même! déflorer de nouvelles pentes vierges, trouver de nouvelles lignes. Cette fois, nous partons un peu plus à l'intérieur des montagnes, la neige y a l'air d'être toujours aussi bonne, mais les rides sont un peu plus craignos, on voit de belles coulées sur les pentes sud... Petite frayeur pour Xavier qui se fera prendre et tirer sur 100 mètres par une coulée.
Tout le monde étant autour avec pelle, sonde et Arva, les risque sont limités. Ce ne sont pas les guides ici qui peuvent faire quelque chose en cas d'avalanche car ils n'ont pas de détecteur : il faut donc être autonome, et tout le monde est sensé savoir se servir d'un Arva. La journée se passera bien malgré tout et nous finissons par épuiser notre temps de vol : c'est l'heure pour Sergeï de ressauter et donc pour nous de rentrer. Afin de finir la partie héliportée du trip en beauté, pendant que je me tape un petit aller retour Chimgan Tachkent (20 minutes aller en hélico contre 2 heures au retour en vielle mercos) histoire d'envoyer le strict minimum de mail à toutes ces personnes qui nous sont chères et ramener le pain pour demain, la bande attaque un apéro dîner d'anthologie durant lequel nous sommes tombés (heureusement) à court de péloches rapidement...
ou d'autres plus raides en fonction de votre capacité à marcher... C'est ici que l'on prend la vraie mesure des premières montagnes, des locaux et du pays en général! Il n'y a pas plus accueillants et plus chaleureux que les Ouzbeks : à peine arrivé près de n'importe quel resto, les locaux vous font une fête (concrétisée par un bon verre de vodka à boire cul-sec avec eux et une partie de leur repas) et les discutions commencent... comme elles peuvent! La pauvre Marisha aura bien du mal à traduire toutes les tentatives de communications et nous essayerons de faire le maximum sans elle. Mais un voyage dans ces contrées sans une personne parlant couramment russe est impossible!
Pendant la semaine, les sièges sont quasiment tous vides, et seuls quelques locaux ou même des touristes viennent skier par ici. Tout se complique dès le samedi, car les Ouzbeks sont très fiers de leur montagnes, et la queue au départ du télésiège laisse rêveur : on recule il y a cent ans en arrière, quand les dames françaises allaient sur la mer de glace à Chamonix en jupe et en talon... Là c'est pareil, mais Ouzbek style! Touts les visiteurs sont sur leur 31, hommes et femmes en manteau de fourrure, et on a plus l'impression d'aller au musée que d'aller faire du snowboard entouré de cette population qui vous observe sans toujours oser vous aborder. Tout rentre dans l'ordre dès l'arrivée du télésiège, car même si ils sont casse-cou, il est interdit de prendre le téléski avec une luge et nous continuons seuls à monter au sommet des pistes. Les pentes sont très belles, suffisamment raides pour se faire plaisir, mais surtout parsemées d'une végétation de décor de cinéma... Quand au paysage : c'est une plaine immense qui s'étend jusqu'à la mer d'Aral, plein ouest, et qui nous fera rester jusqu'au soleil couchant pour profiter des belles lumières et rentrer dans l'ombre jusqu'à la maison en se tirant la bourre dans les bois, genre border cross mais entre potes...
Jérome Catz. |