En
général, quand on loue une 550 yamaha, on pense à
vérifier que l'embrayage marche bien et que la poignée
des gaz n'est pas bridée... Pas au Spitzberg! Là on check
l'état de la chenille, on demande si le chauffage des poignées
marche bien et si la remorque de deux mètres cinquante tient
bien les 70 km/h sur vaguelettes gelées.
Conduire une moto neige est super simple, ce qui ne l'est pas c'est
tout ce qui va avec. D'abord, on vous loue une belle carabine avec le
plein de balles à la tête tronquée. Ca c'est pour
tuer les ours, et on a le droit de tirer que si la bête est à
moins de 15 mètres. Vu qu'un ours court à 60 km/h vous
avez exactement (15 / 60 000 = un 4 000 ème d'heure) soit (60mn
/ 4000 = 0,015 mn) soit (0,015 x 60 = ) 0,9 seconde pour tirer. Autant
dire que si vous ne sortez pas d'un commando d'élite de l'armée
des meilleurs du monde...
Donc, en gros, on vous met un vrai calibre entre les pattes au cas où
vous vous retrouviez entre les siennes...en fait c'est pour l'assurance
et effectivement ça assure pour aller faire les courses en ville.
Ensuite, vu qu'il est interdit de tirer à moins de 15 mètres,
la panoplie cow-boy version polaire continue avec de gros pistolets
et leur holster : là c'est plus facile, les bastos sont de grosses
cartouches à double bang. Je m'explique : si l'ours vient vers
vous (et qu'il est encore à plus de 15 mètres...) vous
visez devant lui et vous tirez. A la détonation du pistolet,
l'ours s'arrête mais n'a absolument pas peur, puisqu'il passe
la majeure partie de son temps sur la banquise à chasser le phoque*
et que la banquise ça bouge... et quand ça bouge, souvent
ça craque et ça fait de grosses détonations sourdes...
Donc notre beau tas de 700 kg de muscles aux dents et aux griffes acérées
ne bouge plus et regarde ce qui se passe, et si rien n'inquiète
son regard, il continue vers sa proie (vous en l'occurrence). C'est
là que le double bang de la balle intervient, vu que vous maîtrisez
parfaitement la courbe que va faire la cartouche une fois éjectée
du canon et qu'elle s'est donc fichée entre les pattes de notre
mammifère polaire, 5 secondes après la première
détonation, la cartouche explose. Vous avez donc trois scénario
possibles :
1- L'ours n'a pas bougé d'un poil et quand la cartouche explose
devant lui là, il est scié! Il crève de peur et
il s'en retourne à ses pénates en maudissant la technique
des hommes et son ventre qui l'affame.
2- L'ours a fait deux pas et quand ça explose sous lui il est
projeté en l'air et vous assistez à votre premier ours
d'artifice tout en vous demandant si cotre coéquipier est bien
en train de filmer là...
3- L'ours a fait quatre pas, la cartouche explose derrière lui,
il a donc le feu aux fesses et se rue vers vous à 60 km/h soit
16,6 m/s et vous vous rendez bien compte qu'en fait, même 100
mètres, c'est pas beaucoup entre vous et un ours polaire. Vous
vous demandez donc si vous avez intérêt à perdre
ces dernières secondes à essayer de prendre la carabine
solidement accrochée au porte bagage de la motoneige, à
enlever vos gants pour pouvoir ensuite enlever le cran de sûreté,
armer, viser et réussir à faire mouche au creux de l'épaule
gauche de la bête en train de charger (à 60 km/h soit dit
en passant) OU réciter un Ave Maria dans les règles, OU
regarder une dernière fois le soleil de minuit OU déclamer
:"Je meurs sans haine en moi pour les ours polaires" en espérant
que votre coéquipier filme là...
Je vous fais grâce de toutes les possibilité où
l'ours est blessé et donc devient enragé, s'il s'appelle
René et que vous êtes un fan de Laguigui et de bien d'autres
encore. DONC, une fois en possession de vos joujoux, on vous en loue
d'autres, parce que à moins de faire des quarts, quand on dort,
faut bien se protéger. Voyez donc le cas suivant : votre tente
montée, chaudement (la première nuit) emmitouflé
dans votre polaire dans votre doudoune dans votre duvet, la réserve
de bouffe dûment enterrée à 1 mètre de fond
à 150 mètres du campement dans un sac étanche,
vous avez quand même gardé sur vous un grany miel-noisette-airelles
sauvages au cas-où (les tempêtes de neige arrivent vite
et peuvent durer longtemps au Spitzberg.
Subtilement réchauffé par la chaleur de votre corps, l'odeur
de votre grany traverse votre tente et vient agacer l'ours passant par
là (il peut y avoir des ours partout, on en a même trouvé
au sommet de la plus haute montagne) qui rapplique bien évidement
parce que bon, un grany miel-noisette-airelles sauvages, (surtout les
airelles) par -50, pour un ours, forcément, ça agace.
C'est là que ces petites grenades de la taille d'une boîte
de pellicule photo, que vous avez disposé aux deux extrémité
du camp, et rattachées à un fil de fer par la goupille,
de telle sorte que le moindre contact supérieur à celui
d'un flocon de neige avec le dit fil provoque l'apocalypse, sont particulièrement
indispensables.
Tout la subtilité de cette méthode de protection est qu'il
faut :
-1 Ne pas avoir les mains qui tremblent (de froid, de peur...) sous
peine de perdre et la grenade et la main en cas d'explosion involontaire
durant l'installation. Un surhomme est le bien venu dans ce genre de
trip...
-2 Avoir des skis ou des bâtons dont on ne sert pas pour y accrocher
solidement les fils de fer...
-3 Savoir enfiler, les yeux bandés, un fil de pêche de
25/100 (environ 4kg) dans le chas d'une aiguille pour travaux minutieux
en moins de 7 secondes (à cause du froid parce que après
7 secondes par -50, les mains commencent à trembler et se reporter
au parafe 1...)
-4 Avoir un chalumeau portable pour pouvoir dérouler le fil de
fer et réaliser l'installation ( le chalumeau peut aussi ingénieusement
réchauffer les mains...)
-5 Bien mémoriser la hauteur du fil, ne jamais passer en urgence
au dessus avec des bretelles de pantalon traînant derrière
soi (le rouleau de PQ dans les mains, la pelle entre les dents) sous
peine de prendre un coup de fusil par un de vos coéquipiers mal
réveillé, ou mal luné en fin de trip...VOILA ce
qu'à peu près vous eussiez eu besoin de faire pour vous
protéger des ours spitzbergiens. Nous n'en vîmmes aucun,
c'est pour cela que vous pouvez me lire.
Je remercie ma bonne étoile pendant que vous maudissez les ours...*
Le phoque pèse environ 60 à 80 kg, fait entre 1m30 et
1m80, a beaucoup de sang et quand l'ours l'a mangé il ne reste
plus qu'une carcasse où on voit bien les côtes; je suis
sûr qu'un homme allongé dans son duvet ressemble beaucoup
à un phoque, quant au goût...
jerome
catz
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